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A SAINT OUEN LES DESSOUS DE LA VILLE
12 mars 2006

MAIRE CONDAMNE

Discriminer peut coûter une carrière politique

Justice. Le tribunal de Vienne vient de condamner Gérard Dezempte, le maire (UMP) de Charvieu-Chavagneux (Isère), à trois ans d’inéligibilité pour discrimination au logement. Une première. Si la condamnation est confirmée en appel, il sera contraint à la démission.

La justice n’a pas tremblé. Le tribunal de Vienne a condamné le maire (UMP) de Charvieu-Chavagneux à trois ans d’inéligibilité pour avoir usé de son droit de préemption afin d’empêcher un couple aux origines maghrébines, les Ghezzal, d’acquérir une maison située sur le territoire de sa commune. Lors du procès du 18 octobre, le tribunal a rejeté la défense du maire et de son adjoint à l’Urbanisme (lui aussi poursuivi mais finalement relaxé). Selon Gérard Dezempte, acquérir la maison était une opportunité afin d’installer un local associatif dans le quartier ; idée qu’il aurait finalement abandonnée, compte tenu de la situation financière délicate des vendeurs. Sûr de son bon droit, il a fait appel. Cette décision reste une première en matière de discrimination au logement. Le juge est allé au-delà du réquisitoire du parquet, qui n’avait pas demandé l’inéligibilité. Si la condamnation est confirmée en appel, Gérard Dezempte devra démissionner de son mandat de maire et de conseiller général.
Avec ce jugement, la justice envoie un signal fort à tous ceux qui sont tentés de suivre l’exemple du maire de Charvieu-Chavagneux : appliquer la “préférence nationale ou ethnique” peut coûter une carrière politique. Un message qui arrive à point nommé, la semaine où le Premier ministre, Dominique de Villepin, lance une batterie de mesures pour lutter contre les discriminations en décrétant 2006 “année de l’égalité des chances”.
La justice siffle peut-être la fin de partie pour un maire que le Front national ne renierait pas. Quand ce “gaulliste” accède en 1983 à la mairie de Charvieu-Chavagneux, il a la volonté de mettre en application à sa façon cette phrase du général : “Nous sommes avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne” (voir Le cas Dezempte : déjà un lourd dossier nauséabond). En 1989, il se fait nationalement connaître par la destruction par erreur de la mosquée. En 1997, il se vantait d’avoir fait baisser de 70 % à 38 % le pourcentage d’étrangers dans les HLM de la commune. Conséquence : les populations aux noms “connotés” ont toutes les peines du monde à se reloger dans les HLM de Charvieu. Quand ces personnes veulent construire, on refuse parfois leur permis de construire. Quand elles veulent acheter, certains font la même expérience que les Ghezzal : la mairie préempte.
En attendant que la décision de justice devienne définitive, certains, comme Azedine Haffar, président de l’Aneb (Association nationale des élus de banlieues), en appellent à son exclusion de l’UMP. Lyon Capitale a cherché à savoir ce qu’en pensait Alain Carignon, ami de Gérard Dezempte et président de l’UMP Isère, mais ni lui, ni le maire de Charvieu-Chavagneux n’ont souhaité nous répondre. Dans l’immédiat, comme le confiait Chantal Brême, chef de file de l’opposition municipale (Divers Gauche) à Charvieu : “Cette décision fait du bien à de nombreux habitants. Déjà, on a pu remarquer moins de préemptions, comme si Dezempte avait anticipé cette décision de justice qui pesait sur lui.” Malgré les 80 % obtenus par la liste de l’actuel maire lors des municipales, l’opposition pourrait reprendre plus rapidement la main, si Dezempte est contraint à la démission.

Laurent Burlet


Le cas Dezempte : déjà un lourd dossier

Maire de Charvieu-Chavagneux depuis 1983, conseiller général et ancien conseiller régional, RPR, milloniste puis UMP, Gérard Dezempte n’en est pas à son coup d’essai. Florilège.

1989 : un bulldozer envoyé par la mairie détruit “par erreur” un local de prière musulman. Il obtient un non-lieu.

1994 : sous sa présidence de la commission d’attribution de logement, l’Opac de l’Isère réalise le logiciel Habitat 400, pour planifier la répartition des étrangers et des Français d’origine étrangère.

1997 : son référendum proposant l’instauration d’un “seuil de tolérance” d’étrangers dans les HLM de la commune est annulé par la cour d’appel de Lyon. Dans le bulletin municipal, il revendique une politique discriminatoire qui aurait permis d’avoir fait passer de 70 % à 38 % le pourcentage d’étrangers dans les HLM de la commune.

2005 : il est condamné à trois ans d’inéligibilité et 1 500 euros d’amende pour discrimination raciale. Il doit en outre verser 5 000 euros de dommages et intérêts aux Ghezzal et 1 euro au Mrap et à SOS Racisme, parties civiles. Il a fait appel de cette décision.


Réactions

Que cette décision fasse école !”
“Je souhaite que cette décision fasse école. Je me réjouis de constater que les victimes de ces discriminations ont pu faire valoir leurs droits. Leur démarche doit servir d’exemple. Je vous rappelle que les personnes qui se sentent victimes de discriminations peuvent faire appel à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, dont les pouvoirs viennent d’être étendus par le Premier ministre.”
Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances

“Non aux élus voyous !”
L’Aneb (Association des élus de banlieues) vient d’adresser un nouveau courrier à Nicolas Sarkozy, en tant que président de l’UMP : “L’Aneb somme le président de l’UMP d’exclure cet individu qui n’a pas respecté le pacte républicain et l’équité qui doit prédominer dans une transaction privée comme l’achat d’un bien immobilier (…). La société française n’accepte pas des élus voyous. (…) L’Aneb espère que ce cas de discrimination fera jurisprudence et que des maires ayant des idées racistes n’auront pas droit de cité.”
Azedine Haffar, président de l’Aneb

“Oui à la privation des droits civiques”
“Condamner à la privation des droits civiques est la meilleure manière de prévenir ce genre de discrimination. Faire payer une amende ne suffit pas, puisque ça reste une petite condamnation, payée au final par les deniers publics.”
Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme France

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